La Lozère a sa fée. Nous l’avons rencontrée. Elle vit dans l’auberge sur le bord de la route au Mazelet, près de La Canourgue. Impossible de la manquer. “Chez Louis” vous accueille et c’est Muriel Tranchard, la fille de la maison, aubergiste depuis 15 ans, qui vous offre son sourire.
Muriel ne parle pas d’elle, ou si peu… Sa réserve n’a d’égale que sa sensibilité et sa grande douceur. Sa voix trahit des émotions à fleur de peau et l’on comprend combien il lui importe de compter parmi les ambassadeurs de Lozère. Combien elle en est fière pour sa mère, pour les gens d’ici… Car en reprenant en 1999 au Mazelet l’auberge familiale – Chez Louis – et les chambres d’hôtes, elle pérennise l’accueil créé par ses parents venus de Paris il y a des années.
Silhouette frêle, sourire généreux, Muriel parle peu, mais elle écrit. Pour elle, pour ses deux filles… Pour raconter combien “la vie sur le plateau calcaire l’a forgée d’une façon douce-amère”… en lui révélant son attachement à cette terre aride qui réclame “de la ténacité, de la sueur” mais aussi “de l’amour”.
Elle est caussenarde, née ici il y a trente-huit ans. Elle a choisi de rester sur le Causse, parmi les plantes sauvages dont elle fait bénéficier ses hôtes loin de toute mode. Son univers, c’est la nature, et comme celle-ci est somptueuse autour du Mazelet ! Ce qu’aime Muriel, c’est transmettre à sa fille aînée son goût pour les plantes qu’il faut dénicher, reconnaître, accommoder. Découvrir les oiseaux que l’on nourrit chaque hiver et que l’on observe. L’un de ses récents plus beaux cadeaux reste la réflexion d’une cliente : “Vous aimez votre pays par la racine, par ce qui y pousse.”
Les prés, les bois et… les fourneaux
En dehors des prés et des bois, l’endroit favori de Muriel reste les fourneaux. “Maman cuisine la viande, c’est plus corsé”, dit-elle dans un sourire. Elle se réserve les salades, les entrées, les desserts. On recommande le panier des bois – une crème noisette aux fruits rouges – et les pains d’épices… Chez elle, on ne mange que des produits du terroir : salades et farçous qu’elle farcit de viande de volaille “pour que tous puissent y goûter”. Des flans au jambon, le chevreau à Pâques, issu de l’élevage du frère dont la ferme avoisine l’auberge. Les chanterelles et les morilles qu’on cueille à la saison, les lactaires qu’elle transforme en condiments délicieux, le confit d’oignons si long à cuire mais si doux au palais, la cramaillotte, cette gelée de fleurs de pissenlit ou encore la gelée de lavande… Et l’aligot, bien sûr.
Pour Muriel, vivre en Lozère, c’est nécessairement vivre en accord avec la nature et la notion de respect lui paraît essentielle. Pour le coup, elle serait presque bavarde ! “Ici nous pratiquons l’agriculture raisonnée. Nous respectons notre lieu de vie et notre nature. Il serait bien aussi que notre métier le soit par tous ceux qui l’exercent. Il y a tellement de restaurateurs qui proposent du « tout prêt ». Nous cherchons à faire plaisir avant tout en proposant le meilleur. Même si parfois, bien sûr, l’imperfection est au rendez-vous.”
La voilà, l’amertume du métier… Les esprits ont changé en quinze ans de pratique. “Aujourd’hui, les clients se défoulent sur un clavier quand quelque chose leur déplaît au lieu de nous le dire de vive voix ; ils viennent en chambres d’hôtes mais ils se croient à l’hôtel alors que nous proposons un accueil différent… J’aimais tellement faire découvrir la ferme… Avant les touristes venaient aussi pour cela, c’était mon but premier en ouvrant ces chambres…” On le comprend, venir chez Muriel Tranchard, c’est s’assurer un moment de générosité, de partage, de convivialité autour d’une table inventive et traditionnelle. Sans doute ne la verrez-vous pas déambuler pour le service, mais demandez-là, elle viendra vous dire en toute simplicité son amour de la Lozère.
©Régis Domergue