Pierre Lerouxel

Le Compagnon de la Lauze

 

Depuis février 2014, il gère l’entreprise que son père a créée 31 ans plus tôt à Pierrefiche, près de Barjac… Compagnon du Devoir, Pierre Lerouxel est rentré au pays après avoir roulé sa bosse en France et à l’étranger. Un jeune homme franc, sincère. Un amoureux de la Lozère.

Il fait partie de ces gens qui peuvent montrer de la main l’endroit où ils sont nés. « Juste là, derrière, au hameau de Pierrefiche… » Pierre Lerouxel est couvreur-zingueur, un de ces vieux métiers qui se pratiquent encore en Lozère. « On compte près de 90 couvreurs, soit plus d’1 professionnel pour 10 000 habitants« , précise le jeune gérant de l’entreprise familiale, créée 31 ans plus tôt à Pierrefiche par son père. Pierre, 28 ans, évoque avec amusement son goût pour le métier venu dans l’enfance : « A 7 ans, je suivais mon père partout, je grimpais sur les toits, sur les échafaudages. Nous avons toujours été assez proches. »

Sous sa casquette de cuir, dans un visage fin au bouc bien taillé, le regard clair n’évite rien ni personne. Bien sûr que la proposition de son père de reprendre l’entreprise l’a un peu contraint… « On aime toujours avoir le choix… Mais j’ai suivi ses conseils. » Et puis exercer son métier en Lozère est une chance inouïe… « Il y a peu d’autres départements où le patrimoine est aussi reconnu, où l’on travaille encore la lauze. Ailleurs, je n’ai pas noté un tel attachement à la beauté des bâtiments. Ici, il y a un élan pour la sauvegarde, c’est incroyable. Dès que je suis revenu en Lozère, j’ai su que je voudrais y mourir. » Un aveu sincère et troublant.

Car si Pierre est un « gars d’ici », il a vadrouillé durant 7 ans à travers la France et à l’étranger pour revenir près de Barjac, il y a 4 ans. Un compagnon du Devoir qui ne s’en vante pas. « C’est une expérience personnelle. Il ne me viendrait pas à l’idée de m’en servir pour décrocher un chantier. » D’autant, il le reconnaît, que l’estampille « compagnon du devoir » oblige à une qualité de travail plus que parfaite. « Or, si nous avons évidemment le souci du travail bien fait, nous ne sommes que des humains ! » Compagnon sédentaire depuis 2011, il forme en ce moment de jeunes futurs compagnons de Rodez à la pose de la lauze. « Quand on est compagnon, c’est à vie, c’est un engagement. »

Rythme intense et autodiscipline

Ce mode de vie, au rythme intense avec des journées longues où l’autodiscipline est reine, convient à Pierre. Après Brest, Chartres, Nancy, Paris, l’Australie et l’Irlande du Nord, il rentre en France par Clermont-Ferrand, Angoulême, Rouen, Rodez… Tout n’a pas été rose, « il y a des loups partout », dit-il dans un sourire. « Mais on s’adapte à tout et vite quand on a 17 ans… Tout le monde est loin de chez soi pour apprendre un métier : charpentier, chaudronnier, menuisier… On n’est qu’entre jeunes. Ça donne une énergie plaisante, j’ai adoré ! »

Pierre est aussi enthousiaste pour parler de son pays. Il égrène les raisons d’y rester : sa diversité étonnante, les chênes verts en Cévennes, l’aridité de l’Aubrac, les roches : le calcaire ici, le schiste là-bas, puis le granite en remontant… Ne pas faire la queue des heures à la préfecture, se sentir proche des élus et ne pas connaître les bouchons pour aller au travail… Sans parler des habitants. « Ce que j’aime ici, c’est la proximité. J’aime lever la main toutes les cinq minutes quand je suis en fourgon parce que je reconnais quelqu’un. J’aime rendre service et ne pas craindre de demander un service. On connaît plus de gens dans un territoire peu peuplé que dans une ville de plus de 200 000 habitants. Et puis, on peut laisser sa voiture dehors sans la fermer à clé. »

Sous sa casquette de cuir, dans le visage fin au bouc bien taillé, les yeux clairs brillent singulièrement. « Je serais capable de passer à côté de l’amour de ma vie pour rester en Lozère ! »

©Régis Domergue

Aurélien Perez

Après plusieurs années passées à parcourir le globe pour satisfaire sa passion de la pêche, Aurélien Perez s’est installé comme guide de pêche à la mouche à Cultures, près de Marvejols. Intarissable sur les atouts de la Lozère, il transmet sa passion du tenkara*, une technique comparable à celle pratiquée jadis par les pêcheurs lozériens.

Il est rentré au pays il y a un an mais l’avait-il vraiment quitté ? A 36 ans, Aurélien Perez, baroudeur passionné de pêche, a écumé les rivières et les fleuves de la planète, les mers aussi, du Congo au Maroc, du Nicaragua au Costa Rica, de l’Autriche à l’Islande en passant par l’Espagne ou encore la Bosnie. Pourtant, chaque année il a retrouvé les terres de Lozère, et Cultures, le village de sa mère, où il passait ses vacances depuis toujours. Comme un ancrage dans une vie qui échappe à toute routine.

S’il est aujourd’hui guide de pêche à Marvejols, Aurélien a d’abord travaillé dans la restauration, enchaînant pendant une dizaine d’années les places de cuisinier chez des chefs étoilés, s’offrant même le luxe d’ouvrir à Paris son propre bar à huitres, un resto-poissonnerie où le client se met à table devant un poisson qu’il vient de choisir et cuisiné selon ses vœux. Le restaurant ne désemplit pas, mais voilà, sa passion de la pêche no kill, l’appel de l’extérieur aussi, le rattrapent cinq ans plus tard. « Je tournais en rond, il fallait que je change ». Et comme le hasard fait bien les choses, Aurélien apprend qu’il existe une formation de guide de pêche à… Marvejols.

Dans la jungle panaméenne

 

Il s’installe en Lozère pour passer un BPjeps, effectue un stage de six mois au Panama où il restera finalement deux ans, et rentre pour la naissance de la petite Iris, à Cultures, avec Kahena. Sa femme l’a en effet rejoint là-bas pour organiser des bivouacs dans la jungle panaméenne, expérimentant avec Aurélien la pêche extrême dans un bout du monde où les zones de pêche sont visitées par les requins, où la houle est énorme et charrie de gros poissons.

Les animations qu’Aurélien met aujourd’hui en place en Lozère pendant la saison de pêche de mars à septembre sont moins agitées ! Son public : des familles, des jeunes à partir de 12 ans, des pêcheurs aussi qui veulent expérimenter sa spécialité : le tenkara. Une technique de pêche où le matériel est simplifié à l’extrême : une canne, une ligne, une mouche. Pas de moulinet. « Vous ne vous préoccupez que d’aller chercher le poisson. D’être le plus discret possible, d’entrer en symbiose avec la nature, tous sens aiguisés. »

 

A partir de là, personne n’arrête plus Aurélien. Ni Kahena qui intervient brièvement dans la conversation, ni Iris, 5 mois qui chante à sa façon. « Cette technique était pratiquée par les paysans japonais pour une pêche de subsistance, pour varier les repas et rapporter un peu d’argent. Comme au Japon, la Lozère regorge de petites rivières, de forts dénivelés, de courants rapides. » Il s’exclame : « Nous avons 2800 km de cours d’eau et 100 % de nos rivières sont en première catégorie. C’est unique ! Ici on pêche la truite, l’ombre commun dans une eau très oxygénée, fraîche. La Lozère est parmi les départements les plus adaptés à cette technique. Quand je l’ai découverte, c’était une révélation. » C’est pour cela qu’Aurélien oriente ses services de guidage sur le tenkara. « Pour le côté nature. Le but, c’est d’aller à la pêche ! »

 

©Régis Domergue

Martine Chaptal

La Lozère, sa terre chère

 

Elle n’a jamais quitté son département… Et rien ni personne ne la fera déménager. Agricultrice, présidente du foyer rural de Saint-Julien-d’Arpaon pendant 30 ans, Martine Chaptal continue à promouvoir la Lozère à son poste de deuxième adjointe au maire.

Martine Chaptal, 52 ans, est née dans le village des Laubies, sur la commune de Saint-Etienne-du-Valdonnez. Mais comme elle a davantage vécu à Saint-Julien-d’Arpaon, à 30 kilomètres de là, sur les pentes du Bougès, elle se sent d’ici aussi. Devenue agricultrice à vingt ans, en épousant son mari paysan, elle a aujourd’hui un troupeau de 230 brebis qui participent à façonner les paysages des Causses et Cévennes et classés par l’Unesco au Patrimoine mondial de l’humanité. « C’est pas énorme, mais c’est du travail », précise-t-elle. Elle accueille aussi les randonneurs dans son gîte d’étape, ouvert d’avril à octobre. « Ils randonnent autour du Mont Lozère et surtout sur le chemin de Stevenson« , dans cet endroit magique de Mijavols, hameau accroché à la montagne, avec ses toits de lauzes et ses maisons de pierre.

Jamais Martine n’a quitté sa « chère Lozère ». Pourquoi d’ailleurs l’aurait-elle fait ? « La question ne s’est pas posée. On est bien ici. Je m’y suis mariée. Si je vais un jour en ville, j’en ai assez. Deux jours, c’est trop ! » Avec les randonneurs, elle voyage, cela lui suffit. Elle insiste : « Il n’y a pas besoin de partir !« .

Le foyer rural, les enfants, la commune

 

Pendant trente ans, Martine s’est occupée du foyer rural, « pour le développement et le social… Nous nous réunissions pour des contes, des veillées avec les gens d’ici et des villages alentour, et pour la fête du village qui avait lieu début mai. Ce sont des jeunes qui ont repris le flambeau. » Dans le même temps, elle a élevé ses deux enfants, 20 et 25 ans, qui vivent à Toulouse, où elle part de temps en temps. Aujourd’hui, elle continue, dit-elle, à promouvoir la Lozère en tant que deuxième adjointe au maire de Saint-Julien-d’Arpaon.

En 2003, elle a reçu la médaille du mérite agricole, mais ne l’évoque modestement que pour dire qu’elle ignore pourquoi vraiment on la lui a remise… En revanche, elle est intarissable sur la nécessité d’être ambassadrice de son département. « Il faut faire encore plus pour la Lozère et arrêter de dire qu’on est dans un trou perdu. Au lieu d’aller faire les courses à Alès, ou d’acheter sur Internet, je sais ça fait pas moderne, mais tant pis, il faut acheter local. Internet, c’est la facilité. Faire travailler des entreprises lozériennes chaque fois que possible. A un moment il y avait un slogan que j’aimais beaucoup : « Nos emplettes sont nos emplois« . Puis Martine conclut finalement par un dicton : « Bûche et bûche font fagot comme on dit ! » Et elle rit de bon cœur.

©Régis Domergue

Benjamin Monier

Lozère sport Nature, sa raison d’être

Sportif invétéré, Benjamin Monier défend à toute occasion les couleurs de la Lozère. C’est par attachement à son département qu’il a choisi d’y vivre en accord avec ses valeurs. Il représente avec fierté l’équipe Lozère Sport Nature et le Raid du même nom, un incontournable dans le paysage lozérien…

Benjamin Monier et la Lozère, c’est une longue histoire ! Tout petit déjà « muni d’une canne à pêche au printemps, d’un bicross en été, d’un sac plastique à l’automne ou encore de skis de fond l’hiver, il arpente le territoire pour le plus grand confort de ses parents qui voient à travers cette boulimie d’activités la seule alternative à la ritaline…« , s’amuse son frère cadet, Guillaume. A 39 ans, Benjamin, « informaticien par hasard », reste un accro du sport et de son département.

 

« J’ai toujours privilégié l’extraprofessionnel, raconte-t-il. Je suis parti à Grenoble pour des études de physique-chimie puis de math, mais en section sport-études, surtout pour le ski ! » Ce que confirme le frangin : « Des saisons à plus de 650 heures d’entraînement pour emmener, avec fierté, la combinaison de l’équipe régionale des Cévennes sur toutes les pistes d’Europe. »

Quand son DESS d’informatique en poche, il effectue son stage en Lozère, il sait que cette destination primera sur toute autre considération. « J’aurais pu être chef de projet dans une grosse entreprise mais je ne suis pas carriériste. » Il s’installe à Mende et découvre le raid multisports – VTT, course à pied, kayak, ski, orientation – qu’il pratique avec des équipiers dans ce territoire qu’il aime plus que tout. L’équipe Lozère Sport Nature voit le jour et le Raid du même nom en 2007. Benjamin s’investit aussi dans de nombreux clubs sportifs lozériens.

Ne laisser personne derrière

Tout juste rentré du Chili où il a disputé un raid multisports en compétition mondiale durant 120 heures, il ne s’appesantit pas sur la troisième place obtenue par son équipe devant deux équipes suédoises professionnelles. Benjamin est un sportif exigeant mais modeste.

S’il aime tant cette discipline, c’est parce qu’il y retrouve « le côté sport collectif où il faut se soutenir, s’entraider. Ici on ne laisse personne derrière, il faut être ensemble dans la course tout le temps. C’est une aventure humaine, surtout sur les épreuves de coupe du monde, où on se bat pendant 5 jours et où l’on dort 6 heures seulement ! »

 

Quand on s’exclame devant l’exploit, aussitôt Benjamin relativise : « C’est impressionnant, mais on n’a pas besoin d’être une superstar du sport. Tout repose sur le mental et c’est d’abord l’équipe qui réussit« . Avec l’association Lozère Sport Nature, il s’attache à promouvoir la pratique du sport nature. C’est l’unique raison pour laquelle il a accepté d’être ambassadeur de Lozère. « En 2016 se dérouleront les championnats de France. Il nous tenait à cœur de faire connaître nos terrains d’entraînement et ce département qui est l’un des plus propices à ces activités. »

 

D’un regard, il embrasse la vue depuis les hauteurs de Mende où il s’est installé récemment. On lui souhaite du courage pour la suite. Sur son visage émacié se dessine un sourire… « Ça reste du loisir et du plaisir. S’il me faut du courage, ce sera plutôt pour terminer les murs de la maison ! »

©Régis Domergue

Shirley Morizet

Elle porte un nouveau regard sur la vie

Pour la jeune femme, l’essentiel en Lozère réside dans « les valeurs humaines » de ses habitants.

Spontanée, enthousiaste, optimiste, Shirley Morizet réunit les qualités de bien des nouveaux arrivants en Lozère ! A 28 ans, venue de Châlons-en-Champagne, elle ne tarit pas d’éloges sur son département d’adoption. Elle croit au potentiel du territoire lozérien et de sa commune en particulier. « Je pense qu’elle est la mieux placée de toute la Lozère parce qu’elle est accessible en deux minutes par l’autoroute. »

Ce que Shirley ne supportait plus de « la ville », c’est l’esprit de la clientèle,  ses exigences, « ces deux dernières années, j’avais l’impression de travailler dans un supermarché. » A son arrivée, elle s’inquiétait de ne pas être lozérienne, d’avoir un prénom « peu commun » et un nom de famille « pas du tout d’ici ». En Lozère, elle découvre « des personnes simples, agréables, loin des chichis hypocrites. Ici les gens vous saluent même s’ils ne vous connaissent pas. Tout nous ramène à des valeurs humaines essentielles. »

 

Coup de folie

Autour d’elle, les amis, la famille l’interroge sur son audace mais son choix est fait.  Elle ne se défend pas d’un possible « coup de folie » qui l’a conduite dans ce pays, où « quand on se balade, on a la chance de découvrir des paysages grandioses ». Aux champs de céréales, elle préfère l’altitude et la montagne, les troupeaux de l’Aubrac : « Ça va vous paraître bête mais je n’avais jamais trouvé une vache belle avant de venir en Lozère !!! dit-elle avec une pointe d’humour.

Shirley vante encore le centre-ville de Saint-Chély, son théâtre, sa vie culturelle et associative enrichissante. Le bonheur à portée de main alors ?  « Il faut savoir mesurer sa chance. Ici nous avons tout ce qu’il faut pour être heureux. C’est en s’éloignant du stress urbain et en se rapprochant les uns des autres dans l’échange que nous ferons grandir notre société. »

©Régis Domergue

 

Vincent Duzert

La nature est source d’inspiration

En Margeride, un artisan créateur de lunettes s’est installé sur le territoire de ses ancêtres paysans, dans le hameau d’Ancette. Vincent Duzert, 30 ans, opticien lunetier, n’aurait jamais imaginé vivre ailleurs…

Dans sa famille, on est Lozérien « depuis des générations », et l’on comprend qu’il porte en lui son territoire comme une empreinte. Aussi, Vincent Duzert, 30 ans, installe-t-il en 2013 son atelier de lunetterie au hameau d’Ancette dans la maison de famille, héritage de ses ancêtres. « Ici, je suis au milieu des arbres et des oiseaux. On peut chercher des idées partout, sur internet, en discutant, mais le déclic se fait souvent dehors dans la nature. Et la réflexion vient au calme. »

Jamais il n’a rêvé d’un ailleurs. A l’adolescence, pour gagner un peu d’argent, il fait les saisons. « Je travaillais à La Malène comme serveur dans un bar ou dans un restaurant… J’ai toujours su que je vivrais ici. » Il part pourtant à Grenoble préparer un CAP-BEP de lunetier, puis à Marseille, où il travaille dans un magasin d’optique traditionnelle et passe son BTS en alternance. S’il apprécie de gagner un bon salaire, il réalise très vite que le métier « se limite à vendre des lunettes au comptoir et à remplir des papiers pour le tiers-payant. Au moins, avant, on taillait les verres à la main… ».

 

Fabriqué en Lozère

 

Après un an à Clermont-Ferrand dans la grande distribution, il envisage le retour en Lozère et décide de se former à la création de montures. En 2012, il intègre l’école des meilleurs ouvriers de France à Morez (Jura). Il travaille l’acétate et le bois. « J’achète plusieurs machines que je récupère auprès d’anciennes manufactures du Jura, et qui fonctionnaient encore il y a une cinquantaine d’années. Puis je reviens dans la maison familiale… » La boucle est bouclée.

Bien sûr, les débuts sont difficiles. A son activité de vente à des professionnels s’ajoute aujourd’hui la vente aux particuliers, à domicile. Agréé par la sécurité sociale, Vincent pratique les examens de vue – comme tout opticien traditionnel – que les clients peuvent se faire rembourser. Il n’a pas opté pour le tiers-payant afin de ne pas retomber dans la gestion administrative, en revanche, il propose un choix de lunettes originales. Une vraie valeur ajoutée ! « Plutôt que d’acheter chinois et de revendre à des prix exorbitants, je fabrique et je vends à prix raisonnable mes propres créations. »

Parmi ses projets, un modèle de lunettes en bois pour homme et femme, élaboré avec Luc Monet, horloger, Meilleur Ouvrier de France installé près de Marvejols, et soutenu par le Département. Les lunettes seront fabriquées en bouleau – « un bois de chez nous » – et porteront la signature du territoire.

©Régis Domergue

Cyril Attrazic

C’est un enfant du pays qui reçoit le visiteur dans son restaurant étoilé, étape incontournable entre Aubrac et Margeride. Cyril Attrazic conjugue les saveurs du terroir avec le talent d’un chef qui a gardé la mémoire des plats de son enfance mais qui affiche une jeunesse audacieuse, exigeante et créative.

Ce n’est pas un grand bavard, pourtant à l’évocation de son terroir, Cyril Attrazic trouve les mots pour dire son attachement à l’Aubrac. « Bien avant mon attrait pour la gastronomie, ma passion de toujours est celle qui me lie à cette maison, à ce village. La cuisine a été le support qui m’a permis de rester ici. » Son port d’attache, c’est d’abord un café situé à l’entrée du village d’Aumont-Aubrac – Le Petit Camillou – que tenait une aïeule il y a quatre générations. Depuis, il y a eu le restaurant étoilé de 40 couverts – Chez Cyril Attrazic – et la brasserie Le Gabale. De belles adresses qui valent au chef des commentaires dithyrambiques sur les sites spécialisés ! Mais malgré ses 2 étoiles au Michelin, Cyril reste un enfant du pays, désireux de conserver son ancrage local auprès d’une clientèle fidèle.

Sa cuisine reflète sa philosophie : travailler au plus près de la production du terroir. A sa table, il met élégamment en scène les recettes paysannes de son enfance, accommode les viandes d’Aubrac en cocottes, en légumes fondants et en champignons parfumés. La surprise du moment est une mise en bouche gourmande, « une truffe dont on se dit en la voyant qu’on ne pourra pas la manger entière. Mais il ne faut pas se fier à l’apparence ! C’est ferme à l’extérieur et très crémeux à l’intérieur ! » Cette gourmandise, Cyril Attrazic en parle avec l’enthousiasme de ceux qui aiment partager.

Optimiste mais exigeant

Il présentera ce « petit plat » à Paris au cours d’un événement organisé par une grande fondation au bénéfice des enfants hospitalisés en long séjour. Une manifestation où il retrouve depuis plusieurs années « quatre ou cinq copains », chefs étoilés ou non. « Mettre en commun nos talents pour de tels projets d’exception, ce n’est que du positif… »  L’optimisme est un trait de caractère que se reconnaît Cyril Attrazic. « Je suis fondamentalement positif parce que je crois à ce que je fais. Mais cela n’exclut pas que je sois soucieux… On ne peut guère afficher des ambitions dans ce métier sans être soumis à du stress. »

Il s’est posé la question de son travail et de la raison pour laquelle il reconsidère tout le temps ses exigences…  La réponse réside dans le désir de pérenniser bien au-delà de lui cette entreprise familiale et dans le souhait que ses enfants reprennent l’affaire et poursuivent l’histoire. « C’est cette histoire familiale qui m’a permis de proposer quelque chose de très enraciné. J’essaie de consolider tous les jours cette identité parce que c’est ce qui me distingue de mon voisin. Avec une forte identité, on dépasse les frontières. »

 

En savoir plus sur Cyril Attrazic :

http://www.camillou.com/

©Régis Domergue

Guillaume Sonnet

A quelques kilomètres de Bagnols-les-Bains, le Vallon du Villaret enchante les visiteurs depuis plus de vingt ans. Ce lieu atypique, à l’image de son créateur, n’est pas seulement un parc ludique, c’est avant tout une fenêtre ouverte sur l’art contemporain. Une destination poétique où se forger un point de vue sur l’art, tel que le revendique Guillaume Sonnet.

Il se présente comme « citoyen du monde » ou « immigré pure souche ». Rebelle aux étiquettes, Guillaume Sonnet élude tout ce qui pourrait donner lieu à un portrait figé de lui. En réalité, il ressemble à son Vallon, tout aussi inclassable et décalé… Le Vallon du Villaret, parc ludique et artistique, « une utopie réaliste, complètement démarquée des loisirs industriels », où l’on accède par une route campagnarde, après Bagnols-les Bains.

Car dans cet endroit parmi les plus reculés de Lozère, le maître des lieux réussit le tour de force de proposer au commun des mortels des œuvres d’art contemporain – sculptures, peintures, installations, vidéo – plus ou moins intelligibles. Et cela dure depuis 21 ans. Bien sûr, on vient ici pour les activités ludiques à partager entre générations : marcher au-dessus d’un ruisseau, grimper en haut des arbres, faire des expériences sensorielles dans le noir…  Bien sûr les ponts de cordes, les jeux d’eau, l’instrumentarium en céramique où l’on fabrique ses propres musiques…  Mais on sent bien que ce qui anime le créateur du Vallon, c’est autre chose.

Autre chose qui témoigne de son attachement à encourager la culture, à favoriser une approche de l’art et une pensée critique, loin de tout dogmatisme. Effrayé par « le côté normalisateur de l’Education nationale », cet ancien instituteur (*1) estime que la rencontre avec l’inconnu ne peut se faire que « si l’on a dépassé ses peurs ». « Partager, c’est facile quand on n’a pas posé comme préliminaire que tel tableau ou telle sculpture était un chef d’œuvre. On doit être libre de regarder et de donner son point de vue. Chacun a son histoire. 

Construire sa propre pensée

C’est dans cet esprit que Guillaume Sonnet démarre en 1999, avec l’association L’enfance de l’art, une activité pédagogique originale auprès des classes du département de la Lozère. « Nous leur envoyons des images d’œuvres avec quatre questions, sans donner aucune information sur l’artiste ni sur l’œuvre. Chacun construit ainsi sa propre pensée. » Dans la tour du XIIIe siècle, restaurée, du parc d’animations, il expose des œuvres très diverses (Camille Abbé Sonnet, récemment, mais aussi Ben, Claude Viallat, Robert Combas, Michel Blazy…), parfois loin de tout consensus : « Il faut prendre position. Défendre les artistes, faire de la résistance à la banalité ambiante, ne pas se fondre dans la démocratie. » En l’espace de 20 ans, le Vallon du Villaret a travaillé avec des milliers d’enfants à la découverte de l’art contemporain.

Rien n’était acquis pourtant quand, voulant se prouver qu’il était capable de gagner sa vie par son propre travail, « sans dépendre du prix de journée pratiqué dans le monde de l’enfance inadaptée », il décide de confronter ses idées sur la culture « au réel de l’économie » du moment. L’époque n’est pas encore aux parcs de loisirs et le site du Vallon est loin de toute autoroute. De 1985 à 1993, il étudie le projet, essaie de convaincre des décideurs. « Si Joseph Caupert, sénateur de Lozère et conseiller général du canton du Bleymard, n’avait pas mis tout son poids dans la balance, je n’y serais pas arrivé.  Je me suis senti vraiment accueilli dans ce département qui m’a permis de donner vie à un rêve. Ce qui a été possible en Lozère ne l’aurait sans doute pas été ailleurs. »

Aujourd’hui, Guillaume Sonnet n’a plus à faire ses preuves. Le Vallon du Villaret accueille 35 000 visiteurs chaque année, et c’est une fierté pour son créateur de voir revenir les plus fidèles accompagnés des nouvelles générations.

 

 

*1_ Au sein de Solstices, un laboratoire pour l’autisme, autogéré, qui a ouvert ses portes au Bleymard de 1975 à 2005. Une autre « utopie réaliste », selon Guillaume Sonnet.

 

En savoir plus sur Guillaume Sonnet :

http://www.levallon.fr/

http://www.lozere-tourisme.com/nature-activites-lozere.html

©Régis Domergue

Franck Vigroux

Insaisissable, il fait partie de ces artistes qui ne s’expriment vraiment qu’à travers leur art. Conscient de disposer de la liberté indispensable à sa création musicale, Franck Vigroux, artiste en résidence en Lozère, souligne l’exigence politique seule garante de cette liberté. Comme de la diversité des propositions culturelles en milieu rural.

Nous ne saurons rien ou presque de son parcours de musicien. A la question, Franck Vigroux, artiste associé des Scènes croisées de Lozère, oppose un « peu importe » car l’essentiel n’est pas là. Cet« autodidacte », d’abord guitariste, estime avoir tout appris à travers ses rencontres dans le monde de la musique et des arts. « Ce sont elles qui me font progresser et me permettent de continuer à apprendre. » Discret, réservé, voire farouche, le musicien s’exprime avant tout sur scène, à travers une musique contemporaine qu’il dit « influencée autant par les extrêmes que par la chanson française. » Des noms ? « Il y en aurait trop. » Ce musicien aux « goûts éclectiques » a jusqu’à maintenant dans son écriture « voyagé du classique contemporain à des musiques purement électroniques ». Mais ses projets l’emmèneneront aussi du côté du rock, dans une collaboration future. « Ce travail avec d’autres musiciens et avec d’autres artistes me paraît naturel. » Depuis quelques années en effet Franck Vigroux collabore avec des comédiens, metteurs en scène, danseurs, vidéastes, artistes numériques, au gré de ses envies… 

Le spectacle Aucun lieu qu’il a présenté en avant-première à Mende en novembre 2013 incarne cette approche. Franck Vigroux en a été le concepteur et le metteur en scène « même si les écritures se tissent entre elles [celles du vidéaste Kurt d’Haeseeler et de la chorégraphe Myriam Gourfink. Rien n’est calculé, mais je reste le porteur de la cohérence dramatique. »

Une vie à 200 à l’heure

Insatiable, Franck Vigroux se consacre à plusieurs projets où se croisent ainsi différentes disciplines. Cette vie qu’il mène à 200 à l’heure répond à un besoin impératif de créer. « Je ne dors pas beaucoup mais je m’estime chanceux de pouvoir faire ce que certains appellent un métier et qui est davantage une passion. Je n’ai aucune contrainte, même si rien n’est simple. Je dispose d’une immense liberté, dont j’ai conscience qu’elle est un bien précieux. »

Créer, expérimenter, chercher… quitte à parfois se rendre compte que ses recherches l’emmènent vers « quelque chose de trop radical qui n’intéressera personne ». Et il se félicite que sa démarche soit soutenue en Lozère, « car ce n’est pas toujours le cas en milieu ruralOr si on veut attirer des gens habitués à des offres musicales, de théâtre, de danse, il faut défendre la diversité de propositions culturelles. Ici on me permet d’interroger des formes qui dérangent, qui sont exigeantes. Cela passe par une interrogation sur la société que l’on désire et avec elle la culture que l’on souhaite défendre. »

Originaire du Monastier, Franck Vigroux dit encore ne jamais avoir quitté cette terre lozérienne, mais avoir « beaucoup voyagé pour revenir ». On le croit.

En savoir plus sur Franck Vigroux :

http://www.franckvigroux.com/

http://culture.lozere.fr/

Catherine de La Rue du Can

Récemment arrivée en Lozère, Catherine de La Rue du Can embrasse il y a trois ans un nouveau métier, celui d’apicultrice. Cette œnologue passionnée a rejoint son mari à la miellerie de Vielvic avec leurs deux enfants pour y mener une vie familiale plus sereine. Trois ans plus tard, deux autres garçons ont rejoint la fratrie, et Catherine est plus que jamais investie dans la vie associative de Villefort dans les Cévennes.

 

« Avec ma formation, on est éclectique et l’on peut répondre à beaucoup de sollicitations. »C’est ainsi que Catherine de La Rue du Can explique comment elle en est venue à s’intéresser aux abeilles et au miel ainsi qu’aux nombreuses autres activités qu’elle poursuit à Villefort. Car Catherine est ingénieur agronome œnologue. Jusqu’alors, elle travaillait en Avignon pour le syndicat des Côtes du Rhône alors que son mari, Pierre, avait repris depuis 1996 la miellerie familiale de Vielvic, créée par son grand-père. Maman de deux enfants, Catherine choisit de venir vivre en Lozère à la naissance du troisième. Aujourd’hui la famille compte deux filles et deux garçons… et Catherine est bel et bien apicultrice !

 

Comme son mari avant elle, elle apprend le métier « directement sur les ruches. Nous avons la chance de bénéficier d’une exploitation en place depuis longtemps et de la présence de deux associés, les oncles de mon mari. Quant à expliquer le miel et ses arômes, ce n’est pas très différent du vin. » Avec un cheptel de 1100 ruches, la miellerie de Vielvic est une grosse exploitation du département. Sa particularité est de transhumer dans un rayon très faible de seulement 30 km autour de Villefort, de 300 m à 1800 m d’altitude. « L’avantage est de garder nos ruches dans un environnement préservé. Nous y trouvons une végétation variée. Et nos frais de transport sont réduits… »

 

Un métier saisonnier

 

Aujourd’hui, Catherine de La Rue du Can s’occupe de la commercialisation, du suivi des commandes, de la mise en pot, du site internet de la miellerie… « L’apiculture est un métier saisonnier. Notre activité démarre en mars avec les fleurs de merisier et va crescendo jusqu’à la première récolte de mi-juillet à début août. La bruyère callune suit en septembre.  Puis il y a le suivi et la mise en hivernage des ruches, jusqu’à la Toussaint. Et l’hiver, la mise en pot pour l’approvisionnement de la boutique, la préparation de la saison suivante… »

 

A côté de son métier d’apicultrice, Catherine assure le secrétariat du Comptoir de la Régordane, une association qui a ouvert à l’année une boutique à La Garde-Guérin. Là, plus de 60 producteurs et artisans de la communauté de communes de Villefort vendent leurs produits ; un service de restauration permet de les déguster. Elle est aussi secrétaire de la filière Elovel (agneau de Lozère), de l’ADMR* locale, qui œuvre pour l’ouverture d’une microcrèche, de l’association des parents d’élèves de l’école de ses enfants…

 

La jeune femme d’origine alsacienne reconnaît que le choix a été difficile entre la reprise d’une propriété viticole en Alsace et son installation en Lozère. Pourtant aujourd’hui, elle ne regrette rien. « Les enfants vivent dans un climat privilégié. Humainement, nous prenons le temps de cultiver un réseau de relations avec des personnes qui ont fait le même choix que nous. Et puis je me suis investie dans le milieu associatif, le collège, l’école… Nous sommes trop peu nombreux pour ne pas nous sentir concernés par ce qui se passe sur notre territoire ! »

 

*ADMR : Association d’Aide à Domicile en Milieu Rural.

En savoir plus sur Catherine  de la Rue du Can :

http://www.lozereterredemiel.com/pourquoi-parrainer-ruche.php

http://plaisirsauthentiques.com/liste/132/produits.html