Le Compagnon de la Lauze
Depuis février 2014, il gère l’entreprise que son père a créée 31 ans plus tôt à Pierrefiche, près de Barjac… Compagnon du Devoir, Pierre Lerouxel est rentré au pays après avoir roulé sa bosse en France et à l’étranger. Un jeune homme franc, sincère. Un amoureux de la Lozère.
Il fait partie de ces gens qui peuvent montrer de la main l’endroit où ils sont nés. « Juste là, derrière, au hameau de Pierrefiche… » Pierre Lerouxel est couvreur-zingueur, un de ces vieux métiers qui se pratiquent encore en Lozère. « On compte près de 90 couvreurs, soit plus d’1 professionnel pour 10 000 habitants« , précise le jeune gérant de l’entreprise familiale, créée 31 ans plus tôt à Pierrefiche par son père. Pierre, 28 ans, évoque avec amusement son goût pour le métier venu dans l’enfance : « A 7 ans, je suivais mon père partout, je grimpais sur les toits, sur les échafaudages. Nous avons toujours été assez proches. »
Sous sa casquette de cuir, dans un visage fin au bouc bien taillé, le regard clair n’évite rien ni personne. Bien sûr que la proposition de son père de reprendre l’entreprise l’a un peu contraint… « On aime toujours avoir le choix… Mais j’ai suivi ses conseils. » Et puis exercer son métier en Lozère est une chance inouïe… « Il y a peu d’autres départements où le patrimoine est aussi reconnu, où l’on travaille encore la lauze. Ailleurs, je n’ai pas noté un tel attachement à la beauté des bâtiments. Ici, il y a un élan pour la sauvegarde, c’est incroyable. Dès que je suis revenu en Lozère, j’ai su que je voudrais y mourir. » Un aveu sincère et troublant.
Car si Pierre est un « gars d’ici », il a vadrouillé durant 7 ans à travers la France et à l’étranger pour revenir près de Barjac, il y a 4 ans. Un compagnon du Devoir qui ne s’en vante pas. « C’est une expérience personnelle. Il ne me viendrait pas à l’idée de m’en servir pour décrocher un chantier. » D’autant, il le reconnaît, que l’estampille « compagnon du devoir » oblige à une qualité de travail plus que parfaite. « Or, si nous avons évidemment le souci du travail bien fait, nous ne sommes que des humains ! » Compagnon sédentaire depuis 2011, il forme en ce moment de jeunes futurs compagnons de Rodez à la pose de la lauze. « Quand on est compagnon, c’est à vie, c’est un engagement. »
Rythme intense et autodiscipline
Ce mode de vie, au rythme intense avec des journées longues où l’autodiscipline est reine, convient à Pierre. Après Brest, Chartres, Nancy, Paris, l’Australie et l’Irlande du Nord, il rentre en France par Clermont-Ferrand, Angoulême, Rouen, Rodez… Tout n’a pas été rose, « il y a des loups partout », dit-il dans un sourire. « Mais on s’adapte à tout et vite quand on a 17 ans… Tout le monde est loin de chez soi pour apprendre un métier : charpentier, chaudronnier, menuisier… On n’est qu’entre jeunes. Ça donne une énergie plaisante, j’ai adoré ! »
Pierre est aussi enthousiaste pour parler de son pays. Il égrène les raisons d’y rester : sa diversité étonnante, les chênes verts en Cévennes, l’aridité de l’Aubrac, les roches : le calcaire ici, le schiste là-bas, puis le granite en remontant… Ne pas faire la queue des heures à la préfecture, se sentir proche des élus et ne pas connaître les bouchons pour aller au travail… Sans parler des habitants. « Ce que j’aime ici, c’est la proximité. J’aime lever la main toutes les cinq minutes quand je suis en fourgon parce que je reconnais quelqu’un. J’aime rendre service et ne pas craindre de demander un service. On connaît plus de gens dans un territoire peu peuplé que dans une ville de plus de 200 000 habitants. Et puis, on peut laisser sa voiture dehors sans la fermer à clé. »
Sous sa casquette de cuir, dans le visage fin au bouc bien taillé, les yeux clairs brillent singulièrement. « Je serais capable de passer à côté de l’amour de ma vie pour rester en Lozère ! »