Guillaume Sonnet
A quelques kilomètres de Bagnols-les-Bains, le Vallon du Villaret enchante les visiteurs depuis plus de vingt ans. Ce lieu atypique, à l’image de son créateur, n’est pas seulement un parc ludique, c’est avant tout une fenêtre ouverte sur l’art contemporain. Une destination poétique où se forger un point de vue sur l’art, tel que le revendique Guillaume Sonnet.
Il se présente comme « citoyen du monde » ou « immigré pure souche ». Rebelle aux étiquettes, Guillaume Sonnet élude tout ce qui pourrait donner lieu à un portrait figé de lui. En réalité, il ressemble à son Vallon, tout aussi inclassable et décalé… Le Vallon du Villaret, parc ludique et artistique, « une utopie réaliste, complètement démarquée des loisirs industriels », où l’on accède par une route campagnarde, après Bagnols-les Bains.
Car dans cet endroit parmi les plus reculés de Lozère, le maître des lieux réussit le tour de force de proposer au commun des mortels des œuvres d’art contemporain – sculptures, peintures, installations, vidéo – plus ou moins intelligibles. Et cela dure depuis 21 ans. Bien sûr, on vient ici pour les activités ludiques à partager entre générations : marcher au-dessus d’un ruisseau, grimper en haut des arbres, faire des expériences sensorielles dans le noir… Bien sûr les ponts de cordes, les jeux d’eau, l’instrumentarium en céramique où l’on fabrique ses propres musiques… Mais on sent bien que ce qui anime le créateur du Vallon, c’est autre chose.
Autre chose qui témoigne de son attachement à encourager la culture, à favoriser une approche de l’art et une pensée critique, loin de tout dogmatisme. Effrayé par « le côté normalisateur de l’Education nationale », cet ancien instituteur (*1) estime que la rencontre avec l’inconnu ne peut se faire que « si l’on a dépassé ses peurs ». « Partager, c’est facile quand on n’a pas posé comme préliminaire que tel tableau ou telle sculpture était un chef d’œuvre. On doit être libre de regarder et de donner son point de vue. Chacun a son histoire.
Construire sa propre pensée
C’est dans cet esprit que Guillaume Sonnet démarre en 1999, avec l’association L’enfance de l’art, une activité pédagogique originale auprès des classes du département de la Lozère. « Nous leur envoyons des images d’œuvres avec quatre questions, sans donner aucune information sur l’artiste ni sur l’œuvre. Chacun construit ainsi sa propre pensée. » Dans la tour du XIIIe siècle, restaurée, du parc d’animations, il expose des œuvres très diverses (Camille Abbé Sonnet, récemment, mais aussi Ben, Claude Viallat, Robert Combas, Michel Blazy…), parfois loin de tout consensus : « Il faut prendre position. Défendre les artistes, faire de la résistance à la banalité ambiante, ne pas se fondre dans la démocratie. » En l’espace de 20 ans, le Vallon du Villaret a travaillé avec des milliers d’enfants à la découverte de l’art contemporain.
Rien n’était acquis pourtant quand, voulant se prouver qu’il était capable de gagner sa vie par son propre travail, « sans dépendre du prix de journée pratiqué dans le monde de l’enfance inadaptée », il décide de confronter ses idées sur la culture « au réel de l’économie » du moment. L’époque n’est pas encore aux parcs de loisirs et le site du Vallon est loin de toute autoroute. De 1985 à 1993, il étudie le projet, essaie de convaincre des décideurs. « Si Joseph Caupert, sénateur de Lozère et conseiller général du canton du Bleymard, n’avait pas mis tout son poids dans la balance, je n’y serais pas arrivé. Je me suis senti vraiment accueilli dans ce département qui m’a permis de donner vie à un rêve. Ce qui a été possible en Lozère ne l’aurait sans doute pas été ailleurs. »
Aujourd’hui, Guillaume Sonnet n’a plus à faire ses preuves. Le Vallon du Villaret accueille 35 000 visiteurs chaque année, et c’est une fierté pour son créateur de voir revenir les plus fidèles accompagnés des nouvelles générations.
*1_ Au sein de Solstices, un laboratoire pour l’autisme, autogéré, qui a ouvert ses portes au Bleymard de 1975 à 2005. Une autre « utopie réaliste », selon Guillaume Sonnet.
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